Pourquoi les pêches bio et les fruits bio en général sont-ils si dégueulasses cet été ?

Chairs juteuses, parfum à vous faire saliver, sucrés à souhait, qu’il est bon de manger les cerises, les abricots, les pêches, melons et pastèques en temps estival ! Ça nous change des pommes, des poires et des bananes des autres saisons !

Mais ô déception ! Ils ne sont pas mûrs. Une fois achetés, il faut attendre qu’ils mûrissent gentiment…

Mais ô déception encore ! Ils sont en train de pourrir !

Ma petite contribution vers un monde meilleur c’est l’approvisionnement de nourriture bio dans ma vie et celle de mes enfants. J’estime qu’on devient un peu ce qu’on mange et que… Bah… Manger de la merde ne me rendra pas meilleur !

Cela présente un petit surcoût, mais à chacun ses choix. Le bio sans pesticide et avec une qualité nutritionnelle supérieure offre bien des avantages qui compensent largement la différence de coût à l’achat avec le produit conventionnel : une meilleure santé, et donc une meilleure qualité de vie, et donc des dépenses en moins et du temps en plus… Il est même probable que le surcoût ne soit que direct, parce que si nous ajoutons dans la balance de comparaison, la santé, la vitalité, ça n’a pas de prix !

Après, il y a des producteurs ou des distributeurs qui en profitent, niveau prix. Non pas que le prix demandé ne soit pas justifié – quand vous voyez les cerises à 15€/kg, qu’elles vous paraissent trop chères, regardez en combien de temps vous pouvez en récolter 1 kg seulement, regardez combien vous êtes payés dans votre job et, stockage, répartition, conditionnement, distribution en plus, demandez-vous si le prix affiché est réellement « trop cher » – mais il y a des prix disons, dissuasifs. Alors il faut faire un choix : s’en priver ou se faire plaisir de temps en temps avec du non bio…

Mais que se passe-t-il avec les fruits bio cette année ?

Il ne sont pas bons. Du moins, je ne les trouve pas bons ! Je les achète, ils ne sont pas mûrs. Je les conserve quelques jours à température ambiante pour qu’ils mûrissent et là, ils passent sans transition de « pas mûrs » à « pourris ». Les pêches, les brugnons, les prunes, les melons et pastèques, les abricots… Bref, tous ces fruits d’été qui font ma joie et mon bonheur gustatifs ne vivent pas l’étape tant attendue de mûrs, juste à point, ni trop durs ni trop mous ! Ce moment où la pêche se pelle presque d’elle-même, où ouvrir un abricot fait couler la première goutte de nectar sur les doigts, où la pastèque est prête à s’éclater toute seule, où le melon dont bon nombre de clients potentiels a flairé le cul, présente des petites fissures comme une terre trop sèche, où croquer une prune à pleines dents vous tâche systématiquement le t-shirt…

L’autre jour, je prends mon courage à deux mains pour affronter le monde des humains. Je me rends au magasin primeur dans l’espoir de croiser le chemin de quelques pêches.  Bon, j’ai pitié d’elles, toutes rangées les unes derrières les autres, colonne de cagette en colonne de cagette. Je suis triste pour elles, ça manque de fantaisie, ça manque de panache, cela ressemble plus à une armée qui défile au pied de la porte de Brandebourg qu’à un camp de naturiste au cap d’Agde ! C’est tout sauf naturel : dans l’arbre, les fruits sont dispersés !

J’achète des donc ces pêches… Jusque là, tout va bien ! Elles sont à peine mûres, je les laissent maturer quelques jours et elles sont délicieuses ! Elles se pèlent assez facilement, elles sont juteuses, sucrées, parfumées… Qu’est-ce qu’on demande de plus à une pêche ? Juste qu’elle soit bio !

Puis un autre jour, je me rends délibérément dans une boutique bio d’une chaîne de magasins nationale. Et là, je déroule le même scénario, sauf que les pêches ne sont pas bien rangées comme les pêches conventionnelles. Elles ne sont pas mûres, non plus, comme à mon attente ; je les laisse donc maturer quelques jours. Et c’est là que le script change : elles pourrissent les bougresses ! Alors pour limiter les dégâts, j’ai l’intention de leur faire leur fête rapidement, me disant que si elles commencent à pourrir, c’est qu’elles doivent être bien mûres. Mais non ! La partie pourrie est pourrie, le reste est dur, sans vraiment de saveur, difficile à peler… Bref, fiasco de la distribution bio !

Que faire ? Crise existentielle de morale : acheter des fruits bio gustativement mauvais, se priver de fruit ou acheter des fruits en culture conventionnelle, avec certainement tout un tas de produits finissant par « ides » dont notre corps se passerait volontiers, mais dont le goût permet malgré tout de profiter du fruit d’été ?

Pour des raisons propres à la distribution, je comprends qu’il soit nécessaire de cueillir les fruits à peine matures. Mais dans le bio, où l’écoulement des stocks se fait probablement plus lentement, où la conservation suit des étapes moins chimiques, je devine que les fruits sont cueillis encore moins matures. Où se retrouve, dans ce traitement du fruit, le respect de la nature et celle d’une charte de valeur qu’on associe à la culture du bio ? Et s’il était nécessaire de cueillir le fruit à peine fécondé, pour des raisons logistiques, la filière du bio le ferait-elle ?

Où se trouve le problème ?

La géographie, sûrement, et nos habitudes de consommation.

La géographie et la météo ne permettent pas d’obtenir des pêches et les autres fruits cités de manière locale. Ici, en Haute-Saône, il y a bien des variétés qui permettent d’obtenir des fruits, mais elles ne sont pas plébiscitées par les producteurs. En effet, les possibles gels tardifs de printemps ruinent les efforts des producteurs qui ne peuvent pas prendre ce risque professionnel, sinon à titre anecdotique.

Les producteurs amateurs peuvent se permettre, d’une année à l’autre de ne pas avoir de récoltes. J’ai 10 pêchers et sur ces 10 pêchers, je n’obtiendrai probablement pas de pêche, malgré que ce soient des pêchers rustiques, non greffés, issus de plants ayant poussés dans les Pyrénées, donc habitués à vivre des périodes froides. Oui, mais voilà, ce printemps a été particulièrement arrosé et nous avons eu 1 ou 2 petites gelées qui ont ruiné les efforts de ces arbres pour produire leurs descendants, les fruits. À l’échelle de l’arbre, aucune importance. Il pourra produire d’autres graines les autres années, si la chance lui sourit. Mais pour le triste propriétaire du terrain sur lequel vit le pêcher, c’est la déception !

Alors, faut-il se résigner et acheter les fruits qui viennent des autres régions ? C’est une question à la fois morale et sanitaire. Si on considère que conserver et transporter des fruits, ce ne soit pas un chemin vertueux, au regard de la pollution que cela engendre et du sacrifice de maturité, on pourrait quand même être tenté de se dire que ça nous ferait du bien à la santé : de la nature, du plaisir, des vitamines, des antioxydants, etc.

Mais il persiste une certitude : faire venir des fruits de loin, même bio, et ne pas avoir de plaisir à les manger tellement ils sont immatures et insipides, cela n’a pas de sens !

À votre bonne santé !

Existe-t-il une solution pour consommer de manière vertueuse des fruits non locaux, matures et bio ? La voie de la conservation va réduire la qualité nutritionnelle des fruits, c’est indéniable. Mais moins riche n’est-il pas mieux que rien du tout ? Cuits, pasteurisés, en conserve, en solide ou en jus, en lactofermentation, en confiture, en surgelé ou sous forme d’alcool, il y a de nombreuses manières de conserver le fruit… Mais rien n’égale le plaisir du fruit frais, mature !

Et pourtant, que ce soit pour la pêche (Red Haven, Charles Ingouf), la prune (Mirabelle de Nancy, Quetsche d’Alsace, la Reine Claude de Bavay), l’abricot (Pêche de Nancy), le kiwi (kiwaï de Sibérie), le raisin, la cerise (Hedelfingen), il existe pour toutes ces espèces des variétés qui sont aptes à résister aux rigueurs des hivers et aux coups bas des gelées tardives !

Alors, il ne nous reste qu’à nous tourner, pour ceux qui ont du terrain à disposition, vers la culture personnelle de fruitiers, avec le risque ne de pas produire de tels fruits certaines années, et espérer qu’un fruiticulteur local soit tenté et assez joueur pour allouer une petite partie de sa surface de production avec de tels fruitiers « risqués »…

Alors, est-ce que le terme « dégueulasse » est excessif ? Peut-être, mais il est à la hauteur de ma frustration d’irréductible frugivore !

À propos de l’auteur

Je me considère comme un penseur, un observateur, un objecteur de conscience.
J'aime les contrastes, mais je suis adepte des nuances de gris.
On classe souvent les gens : ceux qui voient le verre à moitié plein, ceux qui le voient à moitié vide. Soyons plutôt de ceux qui peuvent, par exemple, considérer le verre deux fois trop grand !
Je refuse la pensée binaire. Ni bon ni mauvais, ni bien ni mal, j'essaye d'adopter un point de vue alternatif, de partager sans imposer un regard critique avec un maximum de bon sens.
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