En bref :
- Macron propose de “libérer l’épargne” pour financer la transition écologique et numérique, en réponse à une demande de François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France.
- Cette proposition vise à promouvoir l’union des marchés de capitaux au sein de l’Union européenne pour mobiliser des ressources financières.
- Des critiques émergent quant à la nature risquée de cette proposition, craignant notamment une saisie de l’épargne des citoyens pour des investissements incertains.
- Il est souligné que l’orientation des fonds vers les marchés financiers peut créer des bulles spéculatives et accroître les risques de crises financières.
- Certains experts recommandent une approche plus prudente, favorisant des investissements directs dans des projets durables et éthiques, plutôt que de laisser le contrôle des fonds aux institutions financières.
Depuis la publication d’un tweet d’Emmanuel Macron appelant à “libérer l’épargne” pour financer la transition écologique et numérique ainsi que pour assurer la sécurité économique, une vive polémique a éclaté quant aux implications de cette proposition.
Dans ce tweet, le président français a fait écho à une demande formulée par François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, visant à promouvoir l’union des marchés de capitaux au sein de l’Union européenne. Cette proposition vise à mobiliser les ressources financières nécessaires à la transition verte en encourageant la libre circulation des capitaux et en incitant les épargnants à investir dans des projets écologiques et innovants.
Cependant, de nombreux observateurs et experts financiers expriment leurs inquiétudes quant aux conséquences potentielles d’une telle mesure. Certains craignent que la libération de l’épargne ne soit en réalité qu’une manière de s’emparer des économies des citoyens pour les diriger vers des investissements risqués, sans garantie de retour sur investissement ou de contribution réelle à la transition écologique.
D’autres soulignent que l’orientation des fonds vers les marchés financiers peut créer une bulle spéculative, alimentant ainsi les déséquilibres économiques et accroissant le risque de crises financières à l’avenir. De plus, la titrisation des actifs, pratique financière controversée qui a contribué à la crise de 2008, pourrait être encouragée par une telle politique, mettant en danger la stabilité du système financier.
Face à ces préoccupations, certains experts préconisent une approche plus prudente et réfléchie dans la mobilisation des ressources financières pour la transition écologique. Ils plaident en faveur d’investissements directs dans des projets durables et éthiques, plutôt que de laisser le contrôle des fonds entre les mains des institutions financières.
En résumé, la proposition d’Emmanuel Macron de “libérer l’épargne” pour financer la transition écologique suscite un débat animé quant à ses implications économiques et sociales. Alors que certains y voient une opportunité de stimuler l’innovation et le développement durable, d’autres expriment leur méfiance face aux risques potentiels associés à cette politique financière.
Source : Union de l’épargne : les saisies arrivent ! – Guy de la Fortelle
Tocsin
23/04/2024
Retranscription de la source vidéo :
“Je suis avec Guy La Fortelle. Bonjour Guy, bonjour Clémence, et merci d’être ici en studio avec nous de si bon matin. Alors, pour votre chronique cette semaine, je vous ai demandé de nous expliquer – il faut dire que c’est moi qui fait cette demande – d’un certain tweet d’Emmanuel Macron que je vais vous citer : ‘Pour financer la transition verte et numérique, nos capacités de défense et assurer notre sécurité économique, nous devons mobiliser et libérer notre épargne en Europe.’ Voilà, nous devons, voilà ce que nous annonce Emmanuel Macron. Nous devons mobiliser et libérer notre épargne. En fait, moi j’entends ‘libérer notre épargne’, je ne suis pas tout à fait rassuré. À votre avis, est-ce que ça sent mauvais?”
“Non, pas du tout. Bien évidemment que notre épargne va être libérée. Ça va être libéré comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Libérer, ça va être libéré. J’ai pas trop envie de libérer mon épargne, en fait. Non, il faut pas.”
“Non, confirme. J’en ai pas, mais si j’en avais…”
“Alors, la première chose qui est assez intéressante, c’est que cette déclaration reprend mot pour mot une demande qui lui est adressée par François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France. Donc là, nous avons notre bon Président de la République, quand il fait pas campagne pour son camp aux européennes, et bien là, il se fait le porte-parole de la BCE via la Banque de France. Intéressant. Je suis pas sûr que ce soit son rôle, mais bon, pourquoi pas?”
“Parce que, donc, Monsieur Villeroy de Galhau lui a adressé une lettre pour les 25 ans de l’Union monétaire, et l’Union monétaire marche tellement bien que Monsieur Villeroy de Galhau vient de réexpliquer à Monsieur Macron qu’il faut absolument avancer sur l’union des marchés de capitaux. Sauf que l’union des marchés de capitaux, c’est pas quelque chose de très chic, on comprend pas trop ce que ça veut dire. Donc, Monsieur Villeroy demande qu’on rebaptise cette union en ‘union de l’épargne et de l’investissement’. Donc là, on est exactement dans cette commande. Et donc, quand Emmanuel Macron dit ‘il faut construire l’union de l’épargne et de l’investissement’, il est en train de ressortir ce projet de l’Union européenne qui date de 2014, qui est celui de construire l’Union des marchés de capitaux. Et ça, bah ça pose deux problèmes. Le premier problème, c’est donc que quand ils veulent créer cette union des marchés de capitaux, c’est donc de favoriser encore plus la libre circulation des capitaux. Donc, nous on entend effectivement ‘libérer l’épargne’ pour pouvoir financer de l’investissement, de l’innovation, des voitures électriques, c’est vachement bien. Sauf que ce qu’on voit pas, c’est que ce qui se passe effectivement si on fait ça, en Allemagne…”
“Ah oui, en plus.”
“C’est-à-dire que la liberté de circulation… vent…”
“On est perdant sur tous les sujets, quoi. On est perdant sur ce coup-là. C’est que, si on prend la voiture électrique, là, on a un cas d’école qui est magnifique, c’est-à-dire que le passage de la voiture thermique à la voiture électrique entraîne des changements d’allocation, révolution… enfin, terminé. Totalement, 2035, c’est ça? Et donc, aujourd’hui, les capacités industrielles ont migré de la France vers l’Allemagne, c’est-à-dire qu’on ferme des usines d’injection en France et on ouvre des usines de batteries en Allemagne. Alors, on a 10, 15 ans de retard là-dessus, on est en train d’essayer de les rattraper, mais en fait, on est mal parti pour.”
“Et de la même manière, que quand aussi on fait l’union de l’électricité, en fait on se fait piller. EDF, là, on va… on risque très fortement de se faire piller notre épargne par cette libre circulation. Et après, il y a une deuxième chose qui est vachement intéressante. C’est donc, il viennent nous expliquer que, il faut financer cette grande révolution écologique, et donc on a besoin de 600 milliards d’euros, et que ces 600 milliards d’euros, et bien ça tombe bien, nous on les a. L’État les a pas, les banques les ont pas, donc il faut bien aller les chercher quelque part. Ça va être nous, sauf que en fait, ça marche pas comme ça. Ça marche pas comme ça.”
“Ça ne marche pas. Et que la croissance des marchés financiers n’entraîne pas de croissance économique, c’est une observation. Quand les marchés financiers croissent, la croissance économique elle ne suit pas. Donc, en plus, cette espèce de vœux pieux qui se dire, pour financer la transition écologique, il faut développer les marchés financiers, ça ne marche pas. Pourquoi?”
“Alors, vous avez… et ça, c’est pas moi qui oui, je le dis, mais je ne fais que reprendre les mots de la Banque des règlements internationaux, et même de Jean Tirole. C’est-à-dire que ça pose deux problèmes. Le problème, c’est que, c’est quand vous avez cette croissance des marchés financiers, ben en fait, il capte. Les marchés financiers vont capter de la richesse, et cette richesse, au lieu d’aller dans la sphère économique, reste dans la sphère des marchés financiers. Et donc, vous avez de la dette. Les marchés financiers sont super forts pour créer de la dette, pas de la croissance. Donc, en fait, Emmanuel Macron est en train, d’une certaine manière, de prendre votre épargne pour son mati… gris. Parce que, on est déjà surendetté de partout, et pour solvabiliser la dette, et ben autant venir libérer notre épargne pour pouvoir la mobiliser afin de solvabiliser les banques.”
“Oui, mais attendez, Guy… Pardon, ça veut dire quoi? Redites-moi ce que veut dire ‘libérer votre épargne’. Libérer, ça veut dire quoi?”
“Libérer, c’est… veut dire, en gros, on va aller venir la chercher dans votre petit compte, et puis on va la libérer, donc on va vous la sortir de là. Donc, en fait, on va vous pomper votre… épargne.”
“Oui, bien sûr. Quand on la mettra au service de la transition écologique?”
“Oui. Quand on vous dit ‘libérer votre épargne’, ça veut dire exactement l’inverse. Ça veut dire la saisir. Ça, on a l’habitude maintenant avec ces gens-là. Ça veut dire la… non, mais c’est bien. C’est… Voilà, utilisons les mots. On va venir vous saisir votre ép… c’est déjà beaucoup plus clair.”
“Il faut bien se mettre dans le… le C que dans… dans la pensée d’un… d’un gars de Bercy ou d’un… ARC. Euh, votre ép ne vous appartient pas, c’est à eux. Eux, ils estiment très sincèrement que votre épargne doit être fléchée. C’est eux qui savent où elle doit aller, et donc eux disent, bah vous, donc pendant 20 ans, c’était bien d’aller mettre son épargne dans les assurances vie, parce que ça permettait de financer le déficit de l’État, euh, bon, ben la Banque centrale européenne a pris, euh, la suite, donc on en avait plus besoin, on va en faire autre chose, et puis finalement, c’est même les BlackRock et compagnie qui prennent la suite. Donc on avait pas besoin. Donc en revanche, ce qu’on arrive pas à faire aujourd’hui, euh, c’est, euh, à faire ce financement des sociétés. Donc on va le faire, et le problème de ce truc-là, c’est quand il parle de l’Union des marchés de capitaux, c’est aussi d’aller permettre, et ça c’est quelque chose qui se développe de plus en plus fort, et tout, tous les gens qui ont une épargne, et même des assurances vie, c’est qu’on leur propose d’investir directement en capital dans les fonds propres des entreprises. C’est-à-dire que c’est, c’est, on devient actionnaire de PME, parfois côtées, parfois aussi non côtées, euh, et notamment donc on est en train de d’ouvrir de manière extrêmement forte ce qu’on appelle le capital risque. Qu’on prend des parts directement dans des petites entreprises ou des moyennes entreprises, ça dépend. Ça, à la rigueur, ça pourrait être bien d’aider les PME françaises.”
“Mais alors déjà un, on n’est pas au niveau français, au niveau européen, donc ça c’est le premier problème qu’on a vu, et le deuxième problème de ce truc-là, c’est que c’est bien sûr que c’est très bien d’aller investir directement dans une PME, mais c’est pas du tout ce qu’ils sont en train de vous proposer. Ce qu’ils sont en train de vous dire, c’est vous allez donner votre argent à une banque, à un intermédiaire financier, qui lui ensuite va décider ce qu’il en fait, et surtout va ensuite investir pour vous dans ces capitaux de petites entreprises. Et ça, ça change tout, parce que vous avez deux problèmes à ça. Le premier problème, c’est que vous avez déjà une énorme bulle du private equity, donc de… et que vous arrivez, c’est encore une fois, vous arrivez après tous les autres, et donc vous venez solvabiliser les investissements précédents. Donc la première chose, c’est que, il est pas du tout évident que vous veniez investir dans une transition écologique, ou peut-être vous êtes en train de sauver les marchés financiers, qui sont pas du tout la même chose, parce que, encore une fois, même chose.”
“Donc en fait, il y a deux mots qui sont pas la même chose. À la place de ‘libérer’, on dit ‘piller’, ou c’est ça, et à la place de ‘pour la transition écologique’, on va dire ‘pour la dette des…’, c’est ça, c’est exactement ça. Et ce qui est très important, et ça, c’est… c’est Jean Tirole qui précise ces choses-là, c’est que attention, quand vous allez investir directement, euh, dans les marchés, quand vous allez investir directement en capital dans des titres de capital, et bien vous avez un truc que les banques adorent faire, qui s’appelle la titrisation. Euh, c’est-à-dire que, on va prendre votre titre, on va le regrouper, on va en faire des paquets, et puis, c’est paquet-là, on va se les revendre, et tout ça va être recyclé dans la grande machine financière. Et ça, c’est ce qui a… a… ça a été le fer de lance de la crise de 2008, ça a été vraiment le charbon qui a permis de faire tout exploser. Et ben là, on a un peu les mêmes mécanismes, c’est-à-dire que c’est… c’est… c’est ce qu’on appelle le shadow banking. C’est… c’est quelque chose qui permet en gros de sortir de la… de la réglementation. On n’est plus dans un espace régulé, les banques font n’importe quoi, et surtout vous avez une mauvaise transmission des risques, on sait plus trop qui porte les risques, en 2008 on ne savait pas qui portait les risques du marché immobilier, là c’est les mêmes problèmes. Donc, on est en train, en fait, on a rien appris de rien. La croissance des marchés financiers ne crée pas de croissance économique, mais c’est pas grave, il faut que vous me envoyez votre argent dans les marchés financiers, la titrisation crée plein de problèmes, c’est pas grave, on va y aller encore plus fort, et surtout, depuis 20 ans, on se fait, on se fait piller gentiment, au nom de la souveraineté européenne, qui en fait, euh, redirige nos ressources vers l’Allemagne, ben ça, pareil, on l’oublie.”
“Alors, une question Guy, on a bien compris, hein? Finalement, ce qui se cachait derrière le sens de la formule de ce joli petit tweet d’Emmanuel Macron, comment on fait pour ne pas se faire piller notre épargne,
finalement? Faut pas avoir d’épargne?”
“Ah ben, ah si, bien sûr qu’il faut avoir de l’épargne. C’est-à-dire que, avoir de l’épargne, c’est la capacité d’être autonome, et la capacité d’être autonome, c’est la capacité d’être libre. Donc, ça c’est très important. Euh, en revanche, bah il faut, il faut faire exactement l’inverse. Il faut débancariser, il faut surtout, le mot est horrible, je veux dire détitriser. Il faut arrêter, il faut sortir de ces marchés financiers, de cette espèce… ce qui est très difficile, euh, et donc, mais il y a des moyens, c’est-à-dire que vous allez acheter un peu d’or, euh, vous allez… vous voulez on veut investir un Napoléon sous le pommier, comme disait exactement comme Charles Gave. Mais ce qui est vachement intéressant, parce que Charles Gave, qui pendant très longtemps euh, n’aimait pas du tout l’or, et ça se comprend dans de sa position, depuis, euh, depuis 2, 3 ans, effectivement, revient, euh, et surtout, chose, vous dire, vous voulez financer l’économie réelle, mais faites-le très bien, mais allez investir directement dans les sociétés, sans passer par ces intermédiaires-là. Bah je, il y a des sociétés qui demandent de l’aide, hein, même on, on peut parler de Toxin et pour… d’ailleurs, Off Investigation qu’on reçoit dans quelques instants. Merci beaucoup Guy de La Fortelle, co-fondateur de Toxin justement, et puis fondateur de la lettre d’information ‘L’investisseur sans costume’. On continue.”